Dès le printemps venu, les femmes organisaient un pique-nique pour saluer le renouveau de la nature et passer une journée au grand air. Ainsi, femmes et enfants, voisines et cousines s’en allaient gaiement à la campagne qui n’était pas si loin pour les citadines qu’elles étaient.
Après le déjeuner, elles s’adonnaient à cœur joie au jeu traditionnel de l’escarpolette : une corde attachée solidement à la branche d’un figuier. Dans la courbe, on place une peau de mouton, un coussin («mrada») en guise de siège. Et là, la partie de plaisir commence vraiment. Les femmes se balancent tour à tour, en s’accompagnant d’un chant spécifique appelé «hawfi» : un genre poétique exclusivement féminin, inscrit dans la tradition orale, pratiquée dans l’oranie et une partie de l’algérois. Il demeure, néanmoins, que c’est la ville de Tlemcen qui semble être son berceau de prédilection.
Yelles Chaouche, sociologue, consacre une œuvre à cette tradition poétique : «Le hawfi. Poésie féminine et tradition orale au Magreb», OPU.
Aller à la source de ce genre, pour en cerner l’originalité, essayer d’en saisir les contours et les caractéristiques, n’est pas chose aisée, d’autant plus que la transmission se fait par vois orale, de mère en fille et ce, depuis des générations.
Pour définir le «hawfi», Yelles Chaouche donne la parole à certains auteurs qui, chacun, en donnent la définition.
Pour William Marçais, «c’est le produit d’une muse anonyme. C’est pour ainsi dire le chant du grand air de poésie et de jardin. Pendant l’été, le jeu de la balançoire est la grande distraction des femmes de Tlemcen».
Mustapha Lacheref note que les chansons de jardin, qui sont des poèmes allégoriques et qui ont souvent un charme étranger et sibyllin, ne sont connus que des femmes, chantés ou récités par elles seules au cours de partie de balançoire ou durant les nuits de joie et de veillées.
Jamel Eddine Bencheikh décrit le «hawfi» comme «un genre de poésie populaire propre à l’Algérie. Il s’agit de petits poèmes de deux à huit vers, chantés par les femmes pendant qu’elles jouent à l’escarpolette ou lors d’une partie à la campagne. Ces pièces, toutes anonymes, se chantent sur le même air, composé de deux phrases mélodiques très simples. L’origine du hawfi reste obscur». Si l’origine du «hawfi» reste obscur, des œuvres, comme celle de Yelles Chaouche, tentent de remonter à la source et raviver la flamme de cette tradition qui est en train de s’éteindre.
Réf. Yelles Chaouche «Le hawfi. Poésie féminine et tradition orale du Maghreb», OPU