Le goudron végétal était d’un usage fort répandu dans les familles algériennes. Il était fabriqué exclusivement par les gens de la montagne.
Le procédé était la distillation en plein air et il exigeait douze heures de chauffage. On construisait à cet effet une chaudière en argile, ayant la forme d’un cône tronqué, dont la hauteur était généralement de soixante-dix centimètres, le diamètre supérieur de quarante centimètres.
Cette chaudière devait reposer, autant que possible, sur une pierre lisse et unie, légèrement inclinée. On emplissait la chaudière de branches de genévrier sauvage, de sapin ou de cèdre, après les avoir dépouillées de leurs feuilles. On la chauffait en brûlant de l’alfa, du diss ou des brindilles.
Le goudron végétal s’échappait par un orifice ménagé à cet effet, il était reçu dans une cuve creusée immédiatement au-dessous et recueilli ensuite dans une guerba (peau de bouc disposée en forme d’outre) qui pouvait en contenir de quinze à vingt litres.
Ce liquide noir, dont la senteur est un mélange de parfum de résine de pin et de brûlé de bois, était très usité chez les familles algériennes. Il servait à enduire les objets destinés à contenir les liquides, comme les gargoulettes d’eau afin de préserver à cette dernière sa fraîcheur et lui donner bon goût. Il était aussi très employé pour les maladies de la peau. On lui reconnaissait, entre autres, la qualité d’apaiser l’eczéma, en le mélangeant avec du henné et de la defla. Tout comme on le conseillait contre les hémorroïdes. C’était aussi l’un des ingrédients du shampooing antipelliculaire.
Côté mystique, son usage était très répandu pour ses qualités préventives contre les maladies surnaturelles. Il était appliqué par petites touches derrière les oreilles des bébés ou sur la plante de leurs pieds, afin de les protéger contre les mauvais sorts des djinns. Tout comme on tentait de se prémunir contre les méfaits de ceux-ci, la veille du quinzième jour et le vingt-septième jour du mois de Ramadhan, surtout lorsqu’on était amené à passer à côté des bouches d’évacuation. L’efficacité du goudron contre ces esprits malfaisants était prétendue du fait que l’odeur et la couleur de ce liquide leur étaient fort détestables.
Aujourd’hui, le goudron végétal ou le kotrane est rarement utilisé ou reconnu pour ses bienfaits, sauf dans les petits villages où les traditions perdurent et où on s’en sert encore couramment.