D’origine probablement orientale, le tapis a existé depuis la nuit des temps. En Algérie, des Numides à nos jours, le tissage est resté cet acte d’authenticité, une culture sociale et, constitue encore, pour certaines familles, une source de revenus substantiels.
Le tapis algérien présente une large palette des influences culturelles et civilisationnelles, en même temps qu’il témoigne des diverses étapes de l’histoire du pays. Aujourd’hui encore, on ne tisse pas de la même façon dans toutes les régions, de même que les motifs, les tons peuvent changer d’une tribu à une autre, d’une maison à une autre. De cette façon, la spécificité des régions est sauvegardée, constituant à travers le pays, un large éventail de tapis se concurrençant par leur beauté et leur qualité.
Néanmoins, quel que soit le type ou l’origine auxquels devait se rattacher un tapis, son mode de fabrication était toujours le même. Il consistait en cinq opérations :
-la préparation de la laine. Celle-ci devait être lavée dans de l’eau saturée de carbonate de potasse (pierre à savon qu’on trouvait en abondance dans toute l’Algérie). Elle était ensuite séchée à l’air libre, battue et cardée.
-Le filage. Après le mélange de la laine au poil de chameau ou de chèvre, quelquefois l’un et l’autre, on procédait au filage.
-Celui-ci terminé, on passait à la troisième étape qu’est la teinture. Les fils étaient teints :
En rouge garance : la garance pousse et croît spontanément dans toute la région montagneuse du Sud.
En bleu indigo : l’indigo (nila) était acheté dans le commerce. On employait aussi le pastel.
En jaune : à l’aide d’une plante qu’on nomme «asfar» et qui n’est autre que la gaude (réséda sauvage). La couleur était fournie aussi par le thé ou le safran.
En vert : à l’aide du mélange de l’indigo et de la gaude.
En noir : à l’aide de l’indigo, de la noix de galle, du sulfate de fer et de la gaude.
En orange : la couleur était tirée du henné et du chêne.
Après la fixation des couleurs avec l’alun, on passait à l’installation du métier. Ce dernier était disposé verticalement et était installé par le patron de la maison de tissage «maâlem». Celui-ci procédait d’abord au doublage des fils, qui étaient ensuite suspendus verticalement et tenus raides à l’aide de deux rouleaux superposés, placés parallèlement au sol et distant entre eux de deux mètres au plus. C’était là tout le métier.
Le «maâlem» plaçait les deux premiers fils qui étaient doublés et de couleurs différentes et passait la main aux femmes qui entamaient le tissage, en plaçant des fils horizontaux, en les faisant passer sur toute la largeur du tapis ou bien en les arrêtant au tiers ou au quart, selon les formes du dessin.
Tous les tapis algériens se faisaient pratiquement de la même façon à la base. Ils se distinguaient par le caractère du dessin, dont la composition variait entre les motifs floraux et les motifs géométriques, par les couleurs utilisées, par la qualité du tissage, et bien d’autres critères qui le singularisaient, selon la spécificité de la région, ainsi que sa dénomination, tels que :
Le Tapis berbère : son dessin est un mélange de figures polygonales, de lignes rectilignes, de triangles harmonieusement agrémentés de roues, d’étoiles, d’œil de perdrix, etc., où domine le rouge dans ses infinies nuances.
Le Tapis de Djebel-Amour : portant le nom d’une région montagneuse, il est, quant à lui, de très haute laine, décorant souvent les grandes tentes des tribus Ouled Sidi-Cheikh. Le décor est d’une extrême simplicité, fait seulement de lignes géométriques pures et de combinaisons de losanges. Les couleurs utilisées sont sobres et douces.
Le Tapis du M’Zab : comme son nom l’indique, il est originaire de Beni-Mzab. Tissé très fin et serré, il est de décor complexe et de coloris flamboyants. Son dessin est composé de lignes géométriques et de figures coniques, losangées et de toutes formes géométriques imaginables, disposées et coloriées avec beaucoup de goût.
Le Tapis de Kalâa des Beni-Rached (en Oranie) : d’inspiration turque et persane, il est travaillé au point noué, coupé de bandes en fils de trame, d’un mélange de décor berbère et de motifs orientaux. La moquette est rasée au couteau afin de laisser plus de netteté au dessin.
Il serait trop long d’énumérer toutes les caractéristiques et la diversité du tapis algérien, issu d’un savoir-faire qui se raréfie et qui se perd avec le temps. On dit que les grand-mères ont emporté le secret avec elles car, par souci de garder leur clientèle et de la fidéliser en lui présentant un ouvrage original et particulier, ces dernières ne transmettaient leur technique qu’à leur progéniture ou leurs proches qui devaient assurer, à leur tour, la relève. Seulement, celle-ci se fait de moins en moins.
Néanmoins, tous les tapis cités plus haut et bien d’autres encore, ont charmé et étonné, tout en marquant la culture algérienne à travers les siècles par leur originalité, leur créativité, leur précision et leur beauté.
Aujourd’hui encore, malgré l’émergence des tapis industriels dans le commerce, il n’y a pas de maîtresse de maison qui ne serait fière d’exposer cette œuvre d’art authentique, réalisée par les mains d’une femme silencieuse, tissant peut-être par nécessité car devant subvenir aux besoins de sa famille, ou par loisir et exprimant à travers une ligne, une courbe ou un polygone, son état d’âme.
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