Marabout, en arabe M’rabotte. Quelques auteurs disent que Marabout vient du mot arabe marbot qui veut dire lié.
Les marabouts sont des hommes reconnus saints ou qui ont hérités ce titre de leurs aïeux. Les marabouts constituent la noblesse religieuse, noblesse héréditaire comme le sont, chez les musulmans, la noblesse d’origine accordée aux descendants de la fille du prophète et la noblesse militaire.
Le Marabouth, au vrai sens du terme, est celui qui invoque le nom de Dieu par ses pensées sincères et par ses actions vertueuses. Tout au début, quand il s’engage dans la voie qui le conduira à la sainteté, il a auprès de lui un cheikh, qui lui fait des recommandations, le fait entrer dans une retraite (kheloua), en le laissant dans une pièce, tout seul, pour que son esprit arrive à oublier tous les gens et toutes les affaires de ce monde.
Le cheikh le guide par ces mots : «Prends garde d’être injuste à l’égard des hommes ; mais, à celui qui commettra une injustice envers toi, pardonne! Occupe-toi uniquement à invoquer Dieu, jeûner et prier nuit et jour. Ne te couche pas la nuit avant que le sommeil ne te gagne. Ne mange pas jusqu’à satiété, afin de pouvoir passer la nuit dans la veille ».
Ces recommandations faites, il le laisse se livrer aux invocations à Dieu, à la prière et au jeûne, jusqu’à ce que l’état extatique (h’âl) le prenne, à force d’invocations et d’absence de nourriture. C’est là ce qu’on appelle le premier état de ravissement mystique (djadhba). Le ravi mystiquement (madjdhoûb) prend le dessus sur toutes les choses terrestres et sur les passions de son âme.
Quand il entre en extase et s’absente de toute chose, il est accosté par le cheikh qui lui dit : « Réduis le nombre de tes invocations » et, là - dessus, il lui récite une incantation que ne connaissent que les maîtres de cette confrérie. Dés que l’incantation est terminée, le disciple revient à la raison. C’est alors que le Seigneur lui dévoile les choses cachées, lui fait voir les pensées intimes des gens et lui ouvre les trésors enfouis dans la terre. Mais, le saint en devenir n’aime pas encore manifester sa puissance sur les hommes car, le Bien, il le voit tout entier de ses yeux mais, il n’en est pas encore satisfait. Il continue à ne travailler que pour la vie future, c’est-à-dire qu’il jeûne, prie, fait des oraisons et distribue en aumônes tout ce qu’il possède, jusqu’à ne plus rien posséder en propre.
C’est alors, que les gens ayant entendu parler de lui viennent le consulter. Ils font volontiers dix, vingt et même cent lieues pour le rencontrer. Chacun lui demande, selon ses besoins, la pluie ou le beau temps ; les femmes l’implorent pour qu’il les rende fécondes, pour être aimées de leur époux ; les marchands le supplient pour que leurs affaires prospèrent ; beaucoup demandent la guérison de leur maux, etc…Si le marabout prononce, à l’intention de quelqu’un, une malédiction ou une bénédiction, instantanément elle produit son effet. C’est pourquoi on lui obéit et on ne conçoit à son égard que du bien. Chaque année, on célèbre chez lui ziaras et oua’das ou bien on vient le trouver en caravanes (rkâb) ; c’est qu’on le vénère à l’égal des Cheurfas, parce que le Prophète a dit : «Je suis l’aïeul de tout craignant Dieu, même s’il est esclave abyssin».
Si ce saint meurt, on élève sur son tombeau, auquel est donné par extension le nom du marabout, un mausolée (qoubba) et l’habitude étant prise, on continue à venir le visiter. S’il laisse des enfants, il transmet à l’un deux, traditionnellement le fils aîné, la « voie » qu’il suit.
Il existait, autrefois, une coutume : les riches, en pèlerinage, déposaient dans les marabouts des offrandes de dattes, de galettes, de figues sèches, de farine, etc.… Les pauvres, que le hasard y conduisait, mangeaient à satiété ces provisions de l’amour de Dieu (c’est ainsi qu’on les appelait). Mais, malheur à celui qui aurait osé emporter une datte, une figue, un quartier de galette, une pincée de farine ! il devait périr infailliblement en route.
Le plus grand des saints musulmans, celui qui est invoqué le plus souvent et avec le plus d’efficacité, est Sidi-El-Hadj Abd El Kader el Djilali, dont le tombeau est à Baghad, et en l’honneur duquel des qoubbas ont été édifiées dans toute l’Algérie. Ce marabout est, en particulier, le patron des aveugles, qui invoquent son nom en demandant l’aumône. C’est à Bagdad, auprès du tombeau de ce saint, où il avait été conduit par son père, que l’émir Abd el Kader(*) eut la révélation qu’il serait un jour Emir des croyants.
Jadis, les marabouts jouaient un grand rôle dans la vie privée et politique des Arabes mais, à présent, leur influence diminue. Car, il faut dire que, à côté des saints personnages, dignes d’êtres distingués par leurs vertus réelles, leur vaste érudition et leurs travaux sur la philologie, la théologie, la jurisprudence, s’est trouvée une myriade de faux dévots, qui feignent d’être marabouts. Ils se font valoir par une publicité tapageuse, pour ramasser de l’argent au détriment des gens crédules. Ils prétendent dévoiler des choses cachées et accomplir des actes « miraculeux ».
A propos de ces faux saints, un proverbe dit : « A combien de qoubbas ne va-t-on pas en pèlerinage dont le titulaire est en enfer ? ».