Alger. A l’issue de l’entretien que lui a accordé Belkhadem, le
ministre iranien des Affaires étrangères a déclaré : «Je me félicite
d’avoir trouvé une oreille attentive.»
Très attentive !
Une fois passée l’euphorie de la victoire fêtée sur les décombres des villes libanaises, une fois les mains ankylosées, fatiguées d’avoir trop agité les drapeaux jaunes du «Parti de Dieu», il faudra avoir le courage — ou la témérité suicide — de s’interroger sur le profil de leaders intégristes comme Hassan Nassrallah. La mue de l’activisme islamiste se lit sur le profil physique et comportemental de l’homme. Le visage poupin. La barbe fournie mais domestiquée par les ciseaux. Le regard doux comme un lac assoupi au pied d’un volcan endormi. Le turban et l’habit stricts sans être vraiment austères. Le ton pondéré. Tellement pondéré que vous seriez presque tentés de secouer le locuteur par les épaules pour lui arracher des octaves plus hautes, plus incisives. Le geste économe et mesuré. Le verbe politique, rarement pour ne pas dire jamais religieux. La main dans une position délicatement tendue vers l’autre, comme une invite à la fraternisation. L’ouverture et la tolérance portées comme des pin’s au milieu du front, un front où il n’y a nulle trace de «âlamat essoudjoud», la marque de la prosternation. Rien à voir avec la panoplie «traditionnelle» de nos intégristes, la barbe hirsute, l’œil injecté du sang qu’il va faire couler, le sabre et le pistolet dégoulinant et fumant. Le poing rageur brandi à la face de l’autre, de n’importe quel autre qui aurait l’outrecuidance de ne pas obéir. Assurément, il y a un fort et habile travail de marketing sur le personnage du chef du Hezbollah. Il y a un art du packaging qui frise le génie. Un génie couplé à une démarche assumée en douce d’entrisme dans les appareils d’Etat au Liban, au gouvernement et au Parlement. Très franchement, je ne sais pas qui est le plus dangereux des deux, le tango à la barbe hirsute ou le terro au timbre de voix désagréablement similaire à celui d’un moine tibétain ayant avalé un tube de valium. Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.